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Un taux de « Swissness » supérieur à 50 % garantit une certaine crédibilité à l’horlogerie suisse. Même s’il ne peut satisfaire tout le monde.
Jean-Daniel Pasche, Président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), Bienne (BE)

Prise de position

Lorsqu’on pense à la Suisse, on songe à ses montres – et inversement. Le couple « Suisse-horlogerie » est illustré par la « marque Suisse », plus couramment utilisée sous l’appellation anglaise « Swiss made ». Ce label bénéficie d’une large réputation et concrétise cette reconnaissance envers le pays et son horlogerie. Il joue un rôle déterminant pour la promotion des montres helvétiques.

Les nombreux abus frappant ce label rappellent que les signes à succès sont largement et universellement copiés. Au milieu des années 2000, la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) avait estimé nécessaire de renforcer la protection du label pour assurer sa crédibilité et sa valeur sur le long terme, de façon à ce que les consommateurs du monde entier lui maintiennent leur confiance.

En effet, ce label était en grand danger au vu de l’usage qui en était fait. Beaucoup de montres n’incorporaient que peu de valeur suisse, à savoir moins du 50 % de leur coût de revient, le reste étant généré à l’étranger. Cette situation affaiblissait petit à petit la « marque Suisse » : quel consommateur allait encore faire confiance au label « Swiss made » s’il apprenait que le produit qui en était pourvu intégrait une valeur étrangère bien supérieure à la valeur suisse ?

Un bon compromis


La marge de manœuvre était certes étroite entre les règles de libre-échange, les réactions prévisibles de l’Union européenne (UE) et des partenaires horlogers continentaux ainsi que l’opposition interne au secteur en Suisse. La FH a néanmoins proposé un projet prévoyant notamment un taux de valeur suisse minimum de 80 % pour les modèles mécaniques et de 60 % pour les autres produits horlogers ainsi que l’exigence du développement technique dans le pays. Il a fallu abandonner le taux de 80 %, car les autorités fédérales le considéraient comme équivalent à une mesure protectionniste contraire aux accords de l’Organisation mondiale du commerce. Les autres critères sont entrés en vigueur en 2017.

Aujourd’hui, la très grande majorité des entreprises s’est adaptée pour intégrer les nouvelles règles. Une petite minorité a certes renoncé au « Swiss made » pour tout ou partie de ses collections. La législation actuelle ne fait pas pour autant l’unanimité, mais pour d’autres raisons : certains jugent le nouveau label encore trop laxiste, d’autres trop contraignant. La solution retenue constitue à n’en pas douter un bon compromis pour lequel la marge de manœuvre disponible a été utilisée au mieux. Un label amené à couvrir toute une industrie et toutes les gammes de prix ne peut être qu’un plus petit dénominateur commun : il ne peut satisfaire tout le monde. Pour la FH, il est important que le taux de « Swissness » exigé soit supérieur à 50 % pour pouvoir revendiquer une majorité claire de valeur suisse : c’est le message que nous voulons donner au consommateur. En outre, un « Swiss made » crédible est plus facile à protéger à l’étranger, car il est mieux compris.

Proposition de citation: Jean-Daniel Pasche (2021). Prise de position: Enfin un « Swiss made » crédible. La Vie économique, 31 mars.