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Le portail EasyGov au service de la lutte contre la pandémie

Guichet en ligne de l’administration fédérale, EasyGov vise à alléger la charge administrative des entreprises. Les inscriptions se sont accélérées depuis le début de la crise du coronavirus. Les demandes de crédits transitoires Covid-19 et de cautionnement pour les jeunes pousses ne pouvaient être déposées qu’au travers de ce portail.
Die Covid-19-Überbrückungskredite für notleidende Unternehmen konnten auf EasyGov beantragt werden. Angestellter eines Churer Cafés räumt im März 2020 die Tische weg. (Image: Keystone)

Imaginez : vous êtes entrepreneur et pouvez effectuer en ligne de manière fiable et sécurisée toutes vos démarches auprès des autorités communales, cantonales ou fédérales. En clair, vous n’avez quasiment plus besoin de vous déplacer auprès de telle ou telle administration. Toutes les demandes peuvent être adressées par le biais d’une seule plateforme Internet, sans qu’il faille disposer de connaissances techniques ou de compétences administratives particulières. Vous êtes preneur ? C’est précisément l’objectif visé par EasyGov, portail ambitieux qui n’a cessé de se développer depuis son lancement en 2017.

EasyGov a été conçu comme un guichet unique : les entreprises peuvent avoir accès à toutes les prestations administratives de son catalogue par l’intermédiaire d’un seul compte. Les prestataires privés comme les fiduciaires et les notaires peuvent également effectuer des démarches au nom d’une entreprise. La stratégie « Suisse numérique », sur laquelle repose EasyGov, dispose que « les processus opérationnels de l’administration sont systématiquement axés sur les besoins des clients, simplifiés, standardisés et rendus plus efficaces ». C’est exactement dans cet esprit que la plateforme a été élaborée : les données régulièrement utilisées (adresses, numéro d’identification des entreprises, coordonnées bancaires, etc.) ne doivent ainsi être saisies qu’une seule fois ou sont importées directement à partir de registres.

Un travail de persuasion fédéral


EasyGov fait partie de la stratégie de cyberadministration de la Confédération, des cantons et des communes. Tous s’engagent en faveur d’une réduction de la charge administrative des petites et moyennes entreprises (PME) au moyen de solutions numériques, en collaboration avec des représentants de l’économie. Afin de déterminer leurs besoins en matière de services cyberadministratifs, les entreprises ont été interrogées au printemps 2019 dans le cadre de l’étude nationale sur la cyberadministration. Celle-ci a été menée conjointement par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) et l’organisation Cyberadministration suisse, créée par la Confédération, les cantons et les communes en vue de développer l’offre de prestations administratives électroniques.

Ce sondage révèle que de nombreuses entreprises peinent à trouver les prestations en ligne déjà proposées par les autorités fédérales, cantonales et communales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle 60 % des entreprises ne recourent pas à ces services. EasyGov s’est donc fixé pour objectif de centraliser l’ensemble des démarches administratives sur une seule plateforme et de mieux structurer l’offre.

C’est là une vaste tâche, surtout dans un État fédéral. En effet, l’intégration d’une prestation supplémentaire implique l’intervention de nouvelles autorités, qu’il faut ensuite convaincre de l’utilité d’un guichet unique. Les avantages sont pourtant évidents : actuellement, un grand nombre d’administrations publiques gèrent des portails qui représentent pour elles une importante source de coûts (développement, exploitation, entretien, assistance, personnel, etc.). EasyGov leur permettrait d’éviter de telles charges et de se concentrer sur le cœur de leur activité, à savoir le traitement des demandes. Le travail de persuasion est donc de longue haleine et requiert l’adhésion de toutes les parties prenantes. Mais la tâche n’a rien d’impossible : le succès d’EasyGov le prouve.

Aujourd’hui, il n’existe aucune consigne sur la manière dont les portails des autorités doivent être élaborés. Or, de telles règles amélioreraient considérablement les possibilités d’intégration. L’organisation Cyberadministration suisse s’est donc penchée sur ce point dans le cadre du plan de mise en œuvre actuel (voir encadré).

Une volonté d’allègement


Le Conseil fédéral considère la recherche continue de solutions visant à alléger la charge administrative des entreprises comme une tâche politique permanente essentielle à la place économique suisse. dans le contexte conjoncturel défavorable qui prévaut en raison de la Covid-19, il entend soutenir les entreprises en ne se limitant pas à l’annonce de mesures d’urgence, mais en créant des instruments aptes à réduire durablement la bureaucratie inutile. Une telle approche devrait aboutir à une amélioration des conditions-cadres de l’économie suisse. Actuellement, deux interventions parlementaires exigent un allègement de la charge administrative des entreprises au travers de réglementations étatiques : la motion de la conseillère nationale Sandra Sollberger (UDC/BL), réclame une loi « antibureaucratie » prévoyant la mise en place d’instruments destinés à réduire la charge administrative des entreprises[1] ; le groupe libéral-radical a quant à lui déposé une motion demandant l’élaboration d’un frein à la réglementation[2], qui nécessiterait de soumettre à une majorité qualifiée, dans le cadre des votes sur l’ensemble par le Parlement, les projets de réglementation qui représentent une charge particulièrement lourde pour les entreprises.

Avec la loi « antibureaucratie », le Conseil fédéral souhaite généraliser rapidement l’utilisation du portail d’accès EasyGov dans l’ensemble du pays. La mise en place d’une obligation d’utilisation aurait un double effet : d’une part, la Confédération serait chargée d’exploiter et de développer un portail d’accès électronique adapté aux besoins des utilisateurs (dont les cantons et les communes) ; d’autre part, les prestations cyberadministratives particulièrement destinées aux entreprises et relevant de la compétence de la Confédération devraient être rendues accessibles par le biais d’EasyGov. Cette obligation serait applicable aux organes de la Confédération, aux cantons et aux communes lorsque leurs prestations relèvent du droit fédéral, ainsi qu’aux unités administratives externes chargées d’exécuter ce même type de prestations. À titre d’illustration, on peut citer la loi sur le travail (RS 822.11), en vertu de laquelle le travail de nuit et le dimanche est soumis à autorisation : à compter de la mise en ligne de la version 1.7 au printemps 2021, ces autorisations pourront uniquement être demandées sur EasyGov.

Ce double effet pourrait permettre au portail de gagner en importance au sein de l’administration, tout en facilitant et en accélérant son développement. Contacter les services fédéraux et cantonaux serait dès lors plus aisé pour les entreprises, qui feraient ainsi des économies de temps et d’argent. Les administrations profiteraient elles aussi d’un développement accéléré, car les processus seraient systématisés et donc plus efficaces. La plateforme en elle-même devrait générer d’importants effets de levier et de notables économies d’échelle : plus le nombre de prestations administratives proposées sur EasyGov sera élevé, plus la plateforme sera attrayante pour les utilisateurs – pour des frais d’exploitation pratiquement identiques.

Intégrer les souhaits des clients


Depuis le lancement d’EasyGov en novembre 2017, plusieurs mises à jour importantes ont eu lieu. La plateforme a succédé au portail Startbiz, qui était destiné aux créateurs d’entreprise, et a dès le départ été majoritairement utilisée par ces derniers. L’offre s’adresse à présent aussi bien aux sociétés établies qu’aux jeunes pousses et aux nouveaux entrepreneurs. Toutes les démarches nécessaires pour fonder une société peuvent y être réalisées, de l’inscription au registre du commerce et aux assurances sociales à l’affiliation à la TVA, en passant par la souscription à l’assurance-accidents.

À chaque mise à jour de la plateforme, l’équipe de projet tient compte, dans la mesure du possible, des souhaits formulés par les entreprises. Ainsi, en 2018, les dix procédures les plus courantes relatives au registre du commerce ont été intégrées au portail. En 2019, celui-ci a en outre accueilli l’ensemble des offices des poursuites. Par ailleurs, depuis la mise à jour effectuée en août 2020, certaines publications de la « Feuille officielle suisse du commerce » (Fosc) sont désormais saisies et publiées sur la plateforme. En recourant au système « e-Trademark », il est également possible de déposer une marque de manière électronique auprès de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI).

Toute nouvelle prestation intégrée au portail est soumise à la même procédure. Cette gestion de projet efficace permet d’offrir de nouvelles prestations administratives aux entreprises environ tous les six mois. Élargir l’offre permet aussi d’améliorer le niveau de développement et la convivialité de la plateforme, étant donné qu’EasyGov propose de nombreuses prestations absentes des autres plateformes. À titre d’exemple, le Service Desk est joignable par téléphone de 8 heures à 22 heures dans quatre langues, une prestation grandement appréciée des entreprises, comme en témoignent les nombreux retours positifs. Les utilisateurs d’EasyGov ont la possibilité d’évaluer les procédures administratives menées à bien en attribuant au maximum cinq étoiles ; la moyenne est actuellement de 4,5.

Le coronavirus, un accélérateur


Le nombre d’entreprises inscrites sur EasyGov a constamment augmenté depuis la création du portail en 2017. Ce mouvement s’est encore accentué sous l’effet de la crise du coronavirus, qui a largement accéléré le processus de numérisation auprès des PME. La plateforme a enregistré plus de 10 000 nouveaux comptes depuis février 2020 et était utilisée par environ 35 000 entreprises fin novembre 2020 (voir illustration).

Pendant la pandémie de Covid-19, l’équipe de projet d’EasyGov a prouvé à quel point elle pouvait être flexible et réagir rapidement, grâce à la collaboration entre les acteurs internes et externes issus de l’économie privée. En une quinzaine de jours, deux nouvelles démarches administratives ont ainsi été intégrées au portail. Les crédits transitoires Covid-19 présentés le 20 mars par le Conseil fédéral ont ouvert la marche : six jours plus tard, les premières demandes pouvaient être déposées sur le portail et, à fin juillet, on dénombrait plus de 136 000 demandes pour un volume de crédit total de quelque 17 milliards de francs.

La seconde démarche administrative a porté sur la procédure de cautionnement particulière mise sur pied le 22 avril 2020 par le Conseil fédéral afin d’assurer des crédits bancaires à certaines jeunes pousses éligibles. Ces demandes de cautionnement ont pu être déposées du 7 mai à fin août. En tout, 21 cantons ont participé à ce programme et plus de 350 cautionnements pour jeunes pousses, représentant un volume de crédits d’environ 98 millions de francs, ont été accordés jusqu’à fin novembre.

Nombre d’entreprises inscrites sur EasyGov (novembre 2017 – novembre 2020)




Remarque : le graphique recense uniquement les quelque 35 000 entreprises inscrites actuellement. Les sociétés qui ont déposé une demande de crédit transitoire Covid-19 ou de cautionnement pour jeunes pousses (environ 136 500) en sont absentes.

Source : Seco / La vie économique

Un développement à venir


Plus de 30 prestations sont aujourd’hui disponibles sur EasyGov. Il est en outre prévu que l’offre soit considérablement élargie et que la plateforme continue d’être optimisée d’ici 2023. Le nombre d’utilisateurs devrait donc encore fortement augmenter ces prochaines années. Une nouvelle hausse est notamment attendue en 2021, car les demandes de permis relatives à la durée du travail pourront alors également être déposées sur le portail. Son utilisation va également devenir de plus en plus courante, a fortiori lorsqu’elle sera imposée par la loi.

« Une prise en main rapide, simple et pas compliquée » : comme le montre le témoignage de cet utilisateur, la population et l’économie sont favorables à la numérisation de l’administration. Cette évolution recèle également un potentiel que les autorités doivent mettre à profit. Des technologies de base comme l’identification électronique (e-ID) vont s’avérer très utiles non seulement dans leurs transactions internes, mais aussi au niveau des interactions avec les entreprises. L’identification électronique réglementée par l’État permet d’instaurer un climat de confiance ainsi qu’une meilleure sécurité au sein du trafic numérique. En outre, avec l’utilisation croissante des solutions de signature électronique autorisées en vertu de la loi sur la signature électronique (SCSE), les procédures connaîtront une nette accélération.

Si l’attractivité d’un pays reposait jusqu’ici largement sur ses infrastructures matérielles, telles que les autoroutes ou les voies ferrées, les infrastructures numériques comme la cyberadministration gagneront à l’avenir en importance. Ces dernières contribuent en effet beaucoup à l’attractivité de l’espace de vie et de la place économique suisses.

  1. Voir motion 16.3388[]
  2. Voir motion 16.3360[]

Proposition de citation: Diobe Wyss ; Martin Godel ; (2020). Le portail EasyGov au service de la lutte contre la pandémie. La Vie économique, 23 décembre.

Quel potentiel d’amélioration ?

Une étude est actuellement menée afin d’examiner si les prestations cantonales et communales peuvent être directement intégrées à EasyGov, et si les prestations proposées sur la plateforme fédérale peuvent à l’inverse être mises en ligne sur les portails cantonaux. Cette étude vise en outre à esquisser l’architecture future des plateformes administratives. L’identification des besoins des acteurs concernés devra tout d’abord faciliter l’intégration de nouveaux services. Une analyse des lacunes permettra ensuite de comparer l’état actuel et futur de la plateforme. Le mandat d’initialisation a été approuvé par le comité de planification de l’organisation Cyberadministration suisse et confirmé lors de son lancement en mai 2020.