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La confiance n’exclut pas le contrôle

Les renseignements relatifs aux comptes financiers sont sensibles. C’est la raison pour laquelle des normes élevées de sécurité s’appliquent à leur échange automatique.

La confiance n’exclut pas le contrôle

Un rapport du Département fédéral des finances indique dans quelle mesure les nouveaux États partenaires satisfont à la norme en matière d’échange de renseignements. La secrétaire d’État aux questions financières internationales, Daniela Stoffel, et le président de la Confédération, Ueli Maurer. (Image: Keystone)

L’échange automatique de renseignements (EAR) doit permettre d’améliorer la transparence et de lutter ainsi contre l’évasion fiscale transfrontalière. Plus d’une centaine de pays se sont jusque-là engagés à reprendre cette norme et à échanger automatiquement chaque année des renseignements sur les comptes financiers de personnes physiques et morales avec les États partenaires. Grâce aux données reçues, les administrations fiscales peuvent vérifier si les contribuables ont correctement déclaré leurs revenus et leurs valeurs patrimoniales perçus et détenus à l’étranger.

Il y a cinq ans, la Suisse s’est également engagée à mettre en œuvre l’EAR. À l’automne dernier, elle a pour la première fois échangé des données avec 36 États et territoires[1]. La Suisse entretient des liens politiques et économiques avec ces États partenaires – majoritairement européens – qui possèdent un cadre législatif semblable au sien.

Depuis lors, la Suisse ne cesse d’étendre son réseau EAR, tenant ainsi compte des développements internationaux, mais aussi des exigences en lien avec la mise en œuvre de la norme EAR. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial) joue un rôle clé dans ce contexte. Ce comité, qui compte plus de 150 États membres et territoires, veille au respect et à la mise en œuvre uniforme des normes mondiales en matière de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales.

Le Forum mondial examine notamment dans quelle mesure les États remplissent les conditions de la norme EAR, par exemple en vérifiant si les États partenaires disposent des bases légales requises et d’un réseau EAR adéquat. Il examine également si les données échangées sont traitées de manière confidentielle et utilisées exclusivement à des fins fiscales. Les résultats de ces examens sont communiqués à tous les États et territoires qui prennent part à l’EAR.

Contrôle par le Conseil fédéral


Outre le Forum mondial, la Suisse vérifie elle aussi si les États partenaires sont conformes à la norme EAR. À cet égard, l’arrêté fédéral concernant le mécanisme de contrôle permettant de garantir la mise en œuvre conforme à la norme de l’EAR sera appliqué pour la première fois cet automne. Le Parlement a adopté le mécanisme de contrôle en décembre 2017. Ce dispositif prescrit les critères permettant d’examiner les 33 États partenaires et territoires avec lesquels la Suisse doit procéder cet automne à un premier échange réciproque de données. Il n’y aura pas d’examen pour quatre autres États partenaires qui fourniront pour la première fois des données à la Suisse car ceux-ci ont renoncé à recevoir des renseignements.

La majorité des critères fixés dans le mécanisme de contrôle découle directement de la norme EAR. L’État partenaire doit ainsi posséder toutes les bases légales nécessaires pour mettre en œuvre l’EAR. Il faut également qu’il remplisse les critères de confidentialité et de sauvegarde des données reçues. Les données doivent en outre être utilisées exclusivement à des fins fiscales. Il ne doit pas y avoir d’indications au plan international faisant état d’un traitement non confidentiel ou d’une protection insuffisante des données reçues par un État partenaire. Et aucun événement contraire à l’ordre public suisse ne doit se produire. Ce serait par exemple le cas si l’on constatait des situations incompatibles avec l’accord concerné, et donc avec le droit helvétique. Les personnes touchées par l’échange de données dans le cadre de l’EAR ne doivent pas courir le risque d’être exposées à des violations flagrantes des droits de l’homme.

Un critère essentiel pour la Suisse en lien avec la concurrence internationale n’est pas stipulé directement par la norme EAR : l’État partenaire doit disposer d’un réseau approprié de juridictions avec lesquelles l’échange automatique de renseignements est mis en œuvre.

Sur mandat du Conseil fédéral, le Département fédéral des finances (DFF) a établi au printemps un rapport indiquant dans quelle mesure les nouveaux États partenaires respectent les exigences de la norme. Le DFF s’est appuyé sur des informations provenant de plusieurs sources pour évaluer ces États : outre les plus récentes notations du Forum mondial, les rapports G20/OCDE et les entretiens menés avec les États partenaires, il a aussi pris en considération les appréciations des représentations de la Suisse à l’étranger. Le DFF a par ailleurs tenu compte d’informations d’instances gouvernementales, d’organisations non gouvernementales et d’agences de presse, invitant également des établissements financiers à se prononcer.

Consultation du Parlement


Le Conseil fédéral a publié le rapport au mois de mai et l’a soumis aux commissions parlementaires compétentes pour consultation. Il décidera avant l’échange de renseignements, prévu en septembre, si l’EAR doit être suspendu avec certains États partenaires. Tel serait le cas si ceux-ci ne respectaient manifestement pas la norme.

Le mécanisme de contrôle comporte également une disposition sur la marche à suivre pour la suite, imposant au Conseil fédéral de vérifier périodiquement, et en fonction des risques, si les différents pays remplissent les critères. Le Conseil fédéral devra ensuite à nouveau soumettre les rapports établis aux commissions parlementaires compétentes pour consultation, avant de déclencher les mesures requises le cas échéant.

  1. Voir à ce propos l’article de Joel Weibel (AFC) dans ce numéro. []

Proposition de citation: Frank Wettstein (2019). La confiance n’exclut pas le contrôle. La Vie économique, 24 juin.