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Réussir la promotion du commerce dans un monde en mutation

Les organismes de promotion du commerce permettent à des petites et moyennes entreprises d’être plus compétitives à l’international. Plusieurs domaines d’intervention doivent toutefois s’adapter aux changements induits par les nouvelles technologies.

Réussir la promotion du commerce dans un monde en mutation

Offrir une aide pour s’orienter : les organismes de promotion du commerce facilitent l’entrée des PME sur les marchés étrangers, comme l’Inde. (Image: Keystone)

Dans le contexte de la mondialisation, le commerce n’est pas un jeu à somme nulle. En trois décennies, il a aidé plus d’un milliard de personnes à sortir de l’extrême pauvreté, rendu les entreprises plus efficaces et créé de la richesse et des emplois productifs. Il a favorisé la baisse des prix et offert davantage de choix aux consommateurs. Les entreprises bénéficient d’apports spécialisés, de l’accès au savoir, de compétences et de technologies. Elles sont également incitées à innover par les exigences des marchés naissants et les besoins de nouveaux consommateurs.

Des données empiriques confirment que le commerce peut contribuer à la productivité et à la prospérité générale. Mais pour que le commerce soit inclusif et que ses retombées soient équitablement partagées, il est impératif que les organismes de promotion du commerce (OPC) – comme par exemple Switzerland Global Enterprise (S-GE) en Suisse – soient engagés, performants et disposent chacun d’une stratégie appropriée[1].

Maximiser les retombées pour tous


Quand des entreprises accèdent aux marchés internationaux, les bénéfices augmentent non seulement pour elles, mais aussi pour la communauté. Les entreprises restent cependant réticentes à se lancer dans le commerce international à cause des coûts irrécupérables (« sunk costs ») inhérents au développement d’un marché inconnu. Faute de soutien, seul un petit nombre d’entreprises choisissent d’exporter, et peu y survivent.

Les OPC jouent donc un rôle important en réduisant les coûts irrécupérables et en partageant les risques, tout en offrant aux exportateurs un appui gouvernemental qui tient compte de considérations plus larges d’ordre économique, social et environnemental. Ces éléments justifient l’appui de la promotion du commerce avec un financement du contribuable.

La qualité des prestations reste cependant déterminante. L’excellence d’une institution dépend de sa gouvernance, de sa structure, de sa culture et de sa stratégie, ainsi que de la fourniture efficace de solutions qui répondent à la logique d’intervention qui va être exposée ci-dessous. Six domaines d’action sont ainsi affectés par les changements rapides dus aux nouvelles technologies.

Surmonter l’asymétrie de l’information


Il s’agit tout d’abord de surmonter l’asymétrie de l’information en fournissant aux entreprises des renseignements sur la demande escomptée, les marchés, les modèles pour y accéder, les exigences réglementaires, la situation concurrentielle et les partenaires potentiels. Aucune entreprise n’aurait les moyens de financer les sources d’informations, ce qui justifie les investissements gouvernementaux dans des missions à l’étranger et dans la création des banques de données spécialisées.

Nouveaux acteurs dans ce domaine, les plateformes numériques exploitent les données de masse (« big data ») et l’analyse du Web pour fournir des informations hautement personnalisées concernant le potentiel d’exportation, le marketing, les ventes et la logistique. Les OPC du monde entier s’y adaptent en concluant des partenariats novateurs pour contribuer à cette nouvelle exploitation des données et en bénéficier.

Coordination et création de ponts


Deuxièmement, il faut souvent un catalyseur permettant de former un groupe (« cluster ») à même de réduire les coûts et d’améliorer les profits à travers une approche coordonnée de la pénétration d’un marché donné. Cette démarche peut prendre la forme d’un stand collectif lors d’une foire commerciale ou d’une collaboration pour la soumission d’un projet. Il peut aussi s’agir d’un partage d’une marque sectorielle ou d’une stratégie de marketing, d’un produit complémentaire offert à un seul acheteur, de l’acquisition commune d’idées ou du partage des coûts de formation ou d’innovation. En tant que catalyseur, les OPC sont souvent les premiers à voir l’opportunité d’un regroupement et disposent de la neutralité et des ressources nécessaires pour soutenir des efforts collectifs.

Troisièmement, pour fournir des services, les OPC doivent comprendre les besoins des entreprises. Ils doivent de plus être efficaces pour sensibiliser les décideurs politiques dans le but d’améliorer l’environnement des affaires. L’impact positif des accords de libre-échange sera en particulier maximisé si les besoins des entreprises ont été pris en compte et que celles-ci sont pleinement informées des opportunités. Les agences crédibles à la fois pour le milieu des affaires et les gouvernements constituent d’excellents partenaires de communication dans les deux sens.

Quatrième axe : la « reconnaissance officielle » et la création d’une marque nationale (« country brand »). Toute agence financée par l’État est investie de l’autorité gouvernementale. Cela confère une crédibilité aux entreprises et facilite l’accès aux administrations et aux réseaux diplomatiques. Cet « imprimatur » entraîne une responsabilité partielle pour « la marque » d’un pays et devrait être inclus dans l’ensemble des activités de promotion du commerce. Dans le monde numérisé actuel, la marque d’un pays n’est plus un emblème traditionnel et immuable, mais un ensemble soigneusement entretenu de récits soutenu par les médias traditionnels et les réseaux sociaux. Cette marque doit être suffisamment souple pour s’avérer pertinente, à la fois pour le tourisme, le commerce (dans une grande variété de secteurs), les investissements, la diplomatie et le sport.

Partager les risques


Cinquièmement, plusieurs activités traditionnelles de promotion du commerce réduisent les risques et les coûts irrécupérables liés à l’accès aux nouveaux marchés : elles améliorent le savoir, la marque du pays et les réseaux dans des marchés peu familiers avant même que les entreprises exportatrices n’entrent en scène. Les recherches confirment que les activités de promotion du commerce fournissent davantage de valeur à ces « marges extensives »[2]. Avec l’augmentation de la pression fiscale et du nombre de marchés d’exportation émergents, il est impossible pour un OPC de se constituer un savoir et des réseaux pour tous les marchés. Les OPC doivent donc prendre certaines décisions stratégiques au nom des exportateurs. De plus en plus de nouveaux modèles de partenariat sont aussi conclus avec des partenaires mondiaux – dans le secteur public comme privé –, et une dépendance croissante est observée vis-à-vis du personnel diplomatique pour réaliser les objectifs des entreprises dans le cadre de la prospection des marchés à l’étranger. Pour les OPC, cette évolution accroît la demande de formation de non-professionnels en matière de représentation du commerce extérieur.

En outre, dans le monde incertain et en mutation rapide d’aujourd’hui, de nouveaux marchés émergent plus rapidement. Pour un OPC, assumer la responsabilité de partager ce risque l’incitera à allouer davantage de ressources pour des activités sur des marchés moins familiers, à prendre davantage de risques pour le compte des entreprises et à réaliser des rendements différés. Ainsi, bien que les bailleurs de fonds gouvernementaux veuillent obtenir des résultats immédiats, les activités de promotion du commerce devront se concentrer de plus en plus sur des résultats à long terme. Une solution consiste à convaincre les intervenants gouvernementaux d’accorder une plus grande importance à certains indicateurs de résultats intermédiaires en matière de réussite.

Enfin, investir dans la valeur sociale, dans les externalités positives et pour le long terme constitue le sixième axe d’intervention. Les organisations financées par l’État sont en mesure d’allouer leurs ressources dans une perspective plus large – par exemple pour soutenir les groupes marginalisés – et de prendre en compte les externalités liées à l’internationalisation des entreprises. Cette responsabilité en matière d’investissement social et les opportunités créées par l’économie numérique encouragent les OPC à collaborer avec les entreprises à un stade précoce de leur cycle de vie, en les soutenant notamment dans l’entrepreneuriat et l’innovation. Agir de la sorte les amène à revoir les activités traditionnelles d’appui au commerce, comme les séminaires d’information en matière d’exportation. Ces derniers sont en effet efficaces pour les entreprises déjà prêtes à exporter, mais peuvent s’avérer contre-productifs pour celles qui doivent encore développer cette capacité[3]. Les activités de promotion du commerce sont aussi adaptées pour répondre aux besoins des femmes et aux attentes concernant la croissance durable. Ici, les OPC qui dépendent fortement des revenus générés par les services fournis se concentrent probablement davantage sur les exportateurs expérimentés connus, à faible risque et bien financés. Or, cela peut réduire les options disponibles pour les entreprises certes plus petites, mais mieux équipées pour innover et prospérer face à l’accélération des changements.

Garder sa pertinence


La Conférence mondiale des OPC a récemment réuni des représentants de 95 pays à Paris pour aborder ces différents sujets. Ils ont relevé trois tendances clés pour les activités des agences : premièrement, la transition d’une concentration sur la croissance des exportations vers un objectif plus large de croissance économique inclusive, qui implique davantage de risques et des rendements différés. Une deuxième tendance réside dans l’effet de « désintermédiation » des plateformes numériques et dans la nouvelle opportunité, pour les institutions, d’être des créateurs de confiance, en partenariat avec le secteur privé[4]. Enfin, la dernière tendance se cristallise dans l’évolution vers un rôle non plus de soliste, mais de chef d’orchestre veillant à ce que tous les acteurs de l’écosystème jouent la même partition.

Ces changements nécessitent d’urgence de nouveaux modèles de travail, de nouveaux partenariats, de nouvelles compétences et de nouveaux paramètres. Dans un monde en mutation, le soutien des gouvernements aux institutions et aux entreprises est plus pertinent que jamais.

  1. Centre du commerce international (2016). []
  2. Volpe Martincus, Carballo et Gallo (2010). []
  3. Kim, Todo, Shimamoto et Matous (2018). []
  4. Centre du commerce international (2018). []

Bibliographie

Bibliographie

Proposition de citation: Anne Chappaz (2019). Réussir la promotion du commerce dans un monde en mutation. La Vie économique, 25 mars.

Le Centre du commerce international

Le Centre du commerce international (ITC) est une agence conjointe des Nations Unies (ONU) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) établie à Genève. Sa mission est d’aider les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) à être compétitives sur le plan international et de s’assurer que la mondialisation soutienne une croissance durable et inclusive. Depuis plus de 50 ans, l’ITC collabore avec les institutions qui soutiennent les exportateurs en visant le « commerce pour le bien ».