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Influence des attentes et des attitudes sur le succès des recherches d’emploi

La majeure partie des études sur l’impact des pratiques et instruments de l’assurance-chômage se sont jusqu’ici concentrées sur le résultat des recherches d’emploi, donc sur la durée individuelle du chômage. En revanche, on a beaucoup moins étudié les mécanismes en jeu, soit la manière dont la recherche d’emploi mène ou non au succès. Or, il serait crucial de le savoir pour repérer les améliorations potentielles et accroître l’efficacité et l’économicité des instruments en pratiquant une politique plus ciblée du marché du travail.
Le «coaching» améliore nettement le taux de réinsertion des bénéficiaires, aussi bien directement à la fin du programme qu’à plus long terme.

Quels sont les éléments du comportement, des attentes et des attitudes des demandeurs d’emploi qui influencent le succès de leurs démarches? La réponse à cette question est au cœur de l’étude présentée ici. Celle-ci examine le rôle de ces éléments dans le succès de la quête d’emploi, d’abord généralement, puis en s’intéressant plus particulièrement à leur inter-action avec les instruments de la politique du marché du travail. Pour la première fois, il a été possible de dépouiller systématiquement des données des cantons d’Argovie (voir encadré 1) et de Zurich (voir encadré 2) qui combinent des informations issues de divers questionnaires avec le système d’information en matière de placement et de statistique du marché du travail (Plasta).

Quels sont les comportements favorables au retour à l’emploi?


Les enquêtes réalisées dans le canton d’Argovie donnent une idée précise des facteurs qui favorisent le succès des demandeurs d’emploi (d’un certain âge). Il en ressort qu’outre le nombre de candidatures, ce sont surtout les attentes salariales et le salaire de réserve qui importent. Ce dernier représente le minimum acceptable pour le demandeur d’emploi. Il indique donc à quel point une personne est réaliste dans ses attentes financières et encline aux concessions. Il apparaît que les attitudes pessimistes en ce domaine sont corrélées positivement au taux de sortie du chômage, alors qu’un salaire de réserve élevé le réduit. Une forte propension aux concessions et une bonne motivation à rechercher un emploi sont également des facteurs de succès décisifs. La confiance en soi, la satisfaction quant à la recherche d’emploi elle-même et la qualité de la candidature ont encore un effet positif sur le taux d’emploi. En cas de recours à différents canaux de recherche, des signes indiquent que lorsque ceux-ci sont ciblés, quelques pistes particulièrement prometteuses mènent davantage au succès qu’une quête tous azimuts.À ce propos, il est intéressant de relever de nettes différences entre deux types de demandeurs d’emploi. Ceux qui sont pessimistes dès le début du chômage font preuve d’un apprentissage progressif quant au réalisme des attentes, à la qualité de la candidature, à la propension aux concessions et à la motivation, ce qui a un effet positif sur le taux de sortie du chômage. Il apparaît en outre que les femmes sont plus enclines aux concessions que les hommes. La plus grande rigidité des hommes et des optimistes en ce domaine est une question qui pourrait, par exemple, affiner les stratégies appliquées en matière de conseil et les mesures décidées. Il en va de même du réalisme des attentes salariales et de la congruence des stratégies de recherche avec leur objet. Le comportement des demandeurs d’emploi qui chôment pour la première fois se caractérise notamment par de fortes variations en matière de salaire escompté, de propension aux concessions et de motivation. Ici, des interventions ciblées pourraient réduire le sentiment initial de déroute face au chômage.

Le «coaching» aide-t-il au succès?


En 2008/2009, le canton d’Argovie a testé des mesures expérimentales ciblées de conseil et de soutien, dans le cadre d’un nouveau programme de «coaching» destiné aux demandeurs d’emploi âgés. En plus d’améliorer leur compétence, leur efficacité et leur stratégie de recherche, il s’agissait d’amener les intéressés à davantage de réalisme quant au salaire réalisable et aux caractéristiques de leur futur travail. De telles mesures ciblées et efficaces modifient essentiellement l’attitude des demandeurs d’emploi et peuvent servir d’exemple. Dans les faits, le «coaching» a nettement amélioré le taux de sortie du chômage des participants, aussi bien immédiatement après le programme qu’à plus long terme.Ont été également étudiées les voies par lesquelles se produisent ces effets. Le «coaching» semble agir à travers une amélioration du savoir-faire en matière de candidature, une correction précoce des attentes quant aux chances d’emploi et aux salaires, une propension accrue aux concessions, un renforcement de la motivation à chercher du travail, enfin, à plus long terme, une réduction du salaire de réserve. On constate en outre des effets positifs sur la qualité de la recherche: les demandeurs d’emploi qui ont suivi le programme ont davantage ciblé les postes prometteurs adaptés à leur profil.

L’influence mesurable des instruments de la politique du marché du travail


Notre projet est le premier à avoir étudié les interactions entre les attentes, le succès des recherches d’emploi et certains instruments de la politique du marché du travail dans le canton de Zurich (voir encadré 2). Il en ressort que les programmes de base (un état des lieux, la plupart du temps), les gains intermédiaires et la menace ou l’exécution d’une suspension des indemnités journalières affectent également les attentes des demandeurs d’emploi, mais leur effet final sur le taux de sortie du chômage n’est pas encore entièrement élucidé. On a pu cependant prouver, pour la première fois, que l’effet des instruments sur le taux de sortie du chômage varie parfois considérablement selon que les demandeurs d’emploi sont optimistes ou pessimistes au début du processus.

Éviter les effets initiaux négatifs des programmes de base


Selon le moment où l’on y recourt et le type de personnes, les programmes de base peuvent présenter des effets initiaux négatifs considérables (dits de «lock-in»), qui ne sont compensés qu’ultérieurement et partiellement par leurs bénéfices en termes d’emploi. Les problèmes proviennent de ce que les demandeurs ne participant pas à un programme trouvent relativement facilement du travail au moment où celui-ci débute. Ceux qui y participent se détournent alors d’une recherche d’emploi prometteuse, même s’ils en profite «in fine»1. Étant donné la variabilité des taux de sortie du chômage des personnes n’ayant pas suivi de programmes de base, ceux-ci devraient se concentrer sur tel ou tel groupe cible et les optimiser sur le plan temporel. Il serait judicieux de les limiter à une semaine au plus au début de la recherche d’emploi. L’objectif principal serait alors de déterminer dans quel délai un poste pourra être trouvé et s’il faut envisager d’autres mesures. Faut-il par exemple adapter ses attentes, retravailler son dossier ou s’entraîner aux candidatures? Pour les demandeurs d’emploi ne manifestant pas de difficultés de placement immédiatement décelables et bénéficiant de taux de sortie en principe élevés, il ne faudrait envisager un programme plus intense que si la recherche d’emploi restait infructueuse un certain temps. Pour les personnes présumées connaître des taux de sortie faibles, on peut en revanche lancer directement le programme intensif sans devoir escompter d’effets de «lock-in» substantiels.

Effets positifs des gains intermédiaires


Les gains intermédiaires présentent également des effets de «lock-in», qui sont cependant moindres et se limitent aux demandeurs d’emploi initialement optimistes. Ils ont des effets nettement positifs sur le taux de sortie de ces derniers. Ils se manifestent également plus tôt que pour les chercheurs pessimistes. Il semble donc judicieux de se concentrer sur les demandeurs d’emploi optimistes – en particulier lors de mauvaises conditions économiques, où les effets de «lock-in» sont habituellement moindres.

Réserver les sanctions aux seuls demandeurs d’emploi optimistes


La menace ou l’exécution d’une suspension des indemnités journalières (sanction) semble avoir un effet plutôt décourageant sur les demandeurs d’emploi pessimistes, ce qui porte atteinte à leurs attentes et leur satisfaction. Pour les demandeurs d’emploi optimistes, en revanche, la menace semble produire l’effet souhaité et augmente le taux de sortie du chômage. Il faudrait donc veiller à ne pas décourager davantage les demandeurs d’emploi pessimistes en les menaçant de sanctions, mais à accroître par d’autres voies leur motivation à chercher du travail.

Nécessité de nouveaux instruments


Nos analyses révèlent que les attentes et attitudes des demandeurs d’emploi influencent de façon décisive le succès de leurs recherches et qu’elles devraient donc susciter plus d’intérêt de la part de la politique du marché du travail. L’examen des facteurs de succès des recherches d’emploi indique dans quels domaines les interventions sont particulièrement payantes. Pour être heureuse, la politique du marché du travail doit impérativement mettre au point de nouveaux instruments plus prometteurs, qui se raccordent directement aux facteurs principaux de succès dans la recherche d’emploi. Les attentes salariales et les salaires de réserve démesurés, la faible propension aux concessions sur d’autres points, le manque de motivation à chercher du travail, enfin les recherches tous azimuts par une foule de canaux différents s’avèrent particulièrement défavorables en ce domaine. Ce sont donc là des cibles directes pour d’éventuelles interventions susceptibles d’améliorer durablement les taux de sortie du chômage. Dans leurs entretiens, les conseillers en placement devraient s’efforcer plus énergiquement de maintenir à un haut niveau la motivation des demandeurs d’emploi, laquelle est sujette à de fortes fluctuations. En ce qui concerne le recours aux différents canaux de recherche, il semble judicieux de procéder au début de la recherche d’emploi à une brève orientation très ciblée sur la meilleure manière de trouver des offres correspondant au profil du candidat. Pour les demandeurs d’emploi optimistes et les hommes, on redoublera d’efforts afin d’améliorer leur propension aux concessions. Quant à ceux qui chôment pour la première fois, ils se montrent souvent déroutés face à la situation. Dans ce cas, il semble prometteur de mieux les préparer à la recherche d’emploi et de les amener à adapter leurs exigences ainsi qu’à avoir une vision réaliste de leur situation.

Proposition de citation: Conny Wunsch ; Patrick Arni ; (2014). Influence des attentes et des attitudes sur le succès des recherches d’emploi. La Vie économique, 01 mai.

Conception de l’étude

Les données concernant la première partie de l’étude proviennent du canton d’Argovie. Elles combinent des informations tirées des questionnaires remplis régulièrement par les demandeurs d’emploi avec des indications sur leur personne et sur le déroulement du chômage. Celles-ci sont fournies par le système d’information en matière de placement et de statistique du marché du travail (Plasta) ainsi que par le système informatisé de paiement de l’assurance-chômage (Sipac)a. En outre, un programme de «coaching» pour demandeurs d’emploi âgés a été intégré systématiquement dans l’évaluation à l’aide d’un dispositif expérimental. Le large spectre couvert par les questionnaires permet de se faire une idée de l’évolution de facteurs tels que le comportement personnel en matière de recherche d’emploi, les attentes, le salaire de réserve, la motivation, le regard porté sur soi et la propension aux concessions. a Patrick Arni, Langzeitarbeitslosigkeit verhindern – Intensivberatung für ältere Stellensuchende, canton d’Argovie et université de Lausanne 2010. À télécharger sur www.patrick-arni.ch

Partie de l’étude consacrée au canton de Zurich

Les analyses se fondent sur la combinaison de données administratives et de réponses à des questionnaires du canton de Zurich (2005–2008). Toutes ces données renferment des informations sur les chances escomptées de trouver du travaila, qui ont été reliées aux données Plasta et Sipac. Les personnes interrogées participaient au programme d’encadrement habituel et bénéficiaient donc des instruments de la loi sur l’assurance-chômage (LACI). Les données permettent d’analyser l’emploi fait des instruments suivants: programmes de base (un état des lieux, la plupart du temps), gains intermédiaires, menace ou exécution d’une suspension des indemnités journalières. Il n’est pas encore possible de s’exprimer sur les mesures de formation et d’emploi, étant donné le trop petit nombre de questionnaires traités.