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Le Conseil fédéral procède à une revue générale du système suisse de cautionnement en faveur des PME

Les PME constituent l’écrasante majorité des entreprises suisses. Elles fournissent deux tiers des emplois et sont donc à la base de notre prospérité. Le système de cautionnement en faveur des PME est un mécanisme d’encouragement qui leur permet d’accéder plus facilement au crédit bancaire, les aidant ainsi à se financer. Dans son dernier rapport, le Conseil fédéral constate qu’à la suite de la réforme radicale de 2007, le système s’est bien développé et repose sur une base solide. Il ne juge donc pas nécessaire, pour le moment, d’en adapter les grandes orientations.

La Suisse compte quatre coopératives de cautionnement (CC) reconnues par l’État: trois à vocation régionale (CC Centre, BG OST/CF Sud, Cautionnement romand) et une active sur le plan national, la Saffa, qui s’adresse aux femmes. Les CC peuvent cautionner des crédits jusqu’à hauteur de 500 000 francs. La Confédération supporte 65% des risques de perte et assume une partie des frais administratifs. Cette dernière contribution permet aux CC de maintenir à bas niveau les coûts de l’examen des demandes et de la surveillance, par conséquent de proposer des conditions avantageuses aux PME.[1]

Une revue générale du cautionnement

En 2007, le système de cautionnement en faveur des PME a subi une réforme radi-

cale (voir encadré 1). Cinq ans plus tard, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) a commandé une analyse d’impact externe pour servir de base à une revue générale. Il a distribué des mandats d’étude afin d’examiner les effets, la position sur le marché et l’application du système suisse de cautionnement, ainsi que sa situation en comparaison internationale[2]À partir de là, le Conseil fédéral a publié un rapport sur l’efficacité, l’opportunité et le caractère économique de la loi fédérale sur les aides financières aux organisations de cautionnement en faveur des PME.

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Bilan positif quant à l’efficacité

Dans son rapport du 29 novembre dernier, le Conseil fédéral tire dans l’ensemble un bilan positif de l’efficacité du cautionnement en faveur des PME. Le système est fonctionnel et ne nécessite pas d’adaptations radicales. À la fin de l’année dernière, 1660 PME bénéficiaient d’un cautionnement et donc d’un accès facilité au crédit bancaire. Le volume des garanties totalisait 218 millions de francs. Les entreprises cautionnées créent en moyenne 4,47 emplois après le dépôt de leur demande.

Ce système soutient efficacement les PME en leur permettant d’obtenir des prêts que les banques ne leur consentiraient pas autrement. Il garantit ainsi la création et la transmission de PME ou favorise leur agrandissement. Parmi les cautionnements accordés, 34% sont affectés au financement des moyens d’exploitation, ce qui est le but principal du système, 23% vont à la reprise ­d’exploitations existantes, 14% aux investissements et 13% à la transformation, à l’agrandissement ou à l’achat d’immeubles. Le taux de création d’entreprises est de 15%. Depuis la réorganisation de 2007, environ 28% des cautionnements sont allés à des micro-entreprises d’un à deux collaborateurs et 12% à des sociétés de plus 19 collaborateurs (voir graphique 2).

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Enracinement dans le milieu rural

Le système de cautionnement est avant tout un mécanisme d’encouragement pour les PME, qui est fortement implanté à la campagne. La répartition régionale montre que 38% des cautionnements vont à des entreprises établies en milieu rural. Cette surreprésentation est encore plus nette si l’on compare le nombre des cautionnements à la population résidante. Selon l’art. 2 de la loi fédérale, l’un des principes de l’encouragement est que les cautionnements soient proposés dans l’ensemble de la Suisse, mais le système n’a pas le même poids dans toutes les régions. Un grand nombre de dossiers se concentrent sur les cantons romands. Le système de cautionnement en faveur des PME tient par exemple une place importante dans le canton de Vaud, où il gère presque un quart des dossiers.

Effets et impacts

À la fin de 2011, les entreprises cautionnées offraient un total de 22 179 emplois et occupaient 1774 apprentis. Le système est donc aussi indirectement utile à la formation professionnelle. Le taux de faillite des entreprises bénéficiaires n’est que légèrement supérieur à celui de l’ensemble des PME de taille comparable.

Au niveau de l’État, les collaborateurs employés dans ces entreprises paient environ 13 millions de francs d’impôt fédéral direct. En outre, les évaluateurs estiment que l’impôt sur le bénéfice des entreprises cautionnées rapporte à la Confédération 13 millions de francs par an. Ces PME créent une valeur ajoutée de 1,7 milliard de francs. Elles nécessitent en outre des intrants, ce qui induit une valeur ajoutée supplémentaire.

Les effets d’aubaine liés au système de cautionnement restent dans l’ensemble faibles. Les PME n’y recourent la plupart du temps que si elles n’ont pas la possibilité de se financer autrement. En revanche, les effets d’éviction pourraient être importants. À l’échelle nationale et à long terme, les emplois correspondants subsisteraient même sans l’existence des entreprises cautionnées, mais pas nécessairement dans les petites sociétés et probablement pas non plus dans les régions concernées.

Dans 46% des cautionnements accordés depuis 2007, le montant garanti ne dépasse pas 100 000 francs, tandis que 10% des cas atteignent le plafond de 500 000 francs.

Situation du système

sur le plan ­international

Pratiquement tous les pays membres

de l’OCDE – ainsi que de nombreux États non-membres – connaissent des systèmes de cautionnement comparables, même si leur conception varie. Ces dispositifs ont été fortement sollicités en réaction aux problèmes de financement survenus dans beaucoup de pays à la suite de la crise économique et financière de 2008.

Le plafond de cautionnement fixé en Suisse (500 000 francs) ne représente approximativement que la moitié de la valeur moyenne observée dans les pays de référence [3], soit 1 million d’euros. En Allemagne, il est par exemple de 1,25 million d’euros et en Autriche de 7,5 millions. D’un autre côté, le montant moyen d’un cautionnement en Suisse (127 437 francs, soit 104 030 euros)[4]est parfois nettement supérieur à celui d’autres pays. Si son plafond est ainsi relativement bas, la Suisse l’exploite plus intensivement. Environ 46% de tous les cautionnements octroyés depuis 2007 ne dépassent pas les 100 000 francs, tandis que 10% d’entre eux atteignent le maximum de 500 000 francs.

Le système suisse de cautionnement est un produit de niche. En termes relatifs, il est nettement plus important qu’ailleurs. Alors que la part du volume des cautionnements dans le produit intérieur brut (PIB) est de 0,04% en Suisse, elle est par exemple de quelque 2% au Portugal et en Italie. En Asie, les cautionnements jouent un rôle encore plus grand, puisqu’ils représentent 3,6% du PIB à Taiwan, 6,7% en Corée et même 7,3% au Japon.

Position sur le marché et perspectives d’avenir

Depuis sa réorganisation en 2007, l’instrument a évolué de façon très positive. Il s’est bien répandu et repose aujourd’hui sur une base solide. En l’espace de cinq ans (2008–2012), le volume des cautionnements est passé de 85 à 218 millions de francs (voir graphique 3). Cette progression était programmée dans la nouvelle conception, car les nouvelles structures et l’engagement financier accru de la Confédération sont parvenus à améliorer la confiance dans le marché, en particulier de la part des banques. De plus, les coopératives de cautionnement ont pris des mesures de marketing ciblées pour accroître la notoriété du nouveau système. Elles ont unifié leurs activités en ce domaine et visent désormais à se profiler comme des pourvoyeuses de capitaux et de conseils auprès des PME, ainsi que comme des partenaires crédibles des banques.

Le degré de notoriété peut être amélioré. Seules un quart environ des PME suisses connaissent le système de cautionnement[5]. Dans les entreprises qui se sont vu refuser un crédit, le taux de notoriété tombe même paradoxalement à 21%, ce qui fait que presque 80% des clients potentiels du système en ignorent l’existence. Cela montre que la communication des banques peut encore s’améliorer. C’est, en effet, par leur banque ou leur fiduciaire que les PME sont, la plupart du temps, informées de la possibilité d’un cautionnement.

Pour toutes ces raisons, les évaluateurs jugent que le système de cautionnement recèle encore un potentiel de développement. Ils estiment ce dernier au quadruple du volume actuel, soit entre 800 et 900 millions de francs.

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Relèvement du plafond de ­cautionnement actuel

L’évaluation a également été l’occasion d’examiner en détail la possibilité de faire passer de 500 000 francs à 1 million le cautionnement maximum autorisé. Cependant, les experts ne sont pas unanimes quant à la nécessité de ce relèvement. Diverses études du Seco, de même que le groupe de travail de la Confédération «Marché du crédit aux PME» et différentes associations économi­ques concluent que le marché du crédit aux PME fonctionne globalement bien. Dans ces conditions, il faut éviter d’étendre les interventions étatiques.

Certaines organisations de cautionnement ont encore soulevé la question d’une garantie fédérale de leur recapitalisation et d’une augmentation de la contribution aux frais administratifs comme condition préalable au relèvement du plafond. Cela reviendrait cependant à développer substantiellement le système. Dans la situation actuelle du marché des crédits aux PME, le Conseil fédéral ne voit ni la nécessité ni l’urgence d’une telle extension.

  1. http://www.cautionnements-pme.ch []
  2. B,S,S., Analyse de l’efficacité du système de cautionnement, projet «Analyse d’impact». Rapport final, B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung, Bâle, 28 mars 2013; KMU-HSG, Analyse de l’efficacité du système de cautionnement. Projet II: Analyse de la position sur le marché. Rapport de l’Institut suisse des PME, université de Saint-Gall, 28 mars 2013; Ernst & Young, Rapport d’évaluation final du système de cautionnement 2007–2010, octobre 2010; Ernst & Young, Étude complémentaire sur les antennes des coopératives de cautionnement des arts et métiers, rapport final, 27 mai 2011; PricewaterhouseCoopers (PwC), Le système suisse de ­cautionnement à l’aune internationale. Rapport final, 31 mars 2013. []
  3. Les pays ayant servi de référence sont l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. []
  4. Cours de change en août 2013: 1 euro = 1,225 franc suisse. []
  5. M.I.S. Trend (2013). []

Proposition de citation: Samuel Turcati ; Markus Willimann ; (2013). Le Conseil fédéral procède à une revue générale du système suisse de cautionnement en faveur des PME. La Vie économique, 01 décembre.

Un mécanisme historique

Le système de cautionnement en faveur des PME a été appliqué pour la première fois au milieu des années trente, dans le cadre des mesures de lutte contre la crise et le chômage. L’arrêté fédéral du 22 juin 1949a, qui tendait à encourager les coopératives de cautionnement des arts et métiers, a créé une base juridique durable.

Au début des années nonante, la crise du secteur immobilier a aussi contaminé le système de cautionnement et abouti au désengagement des grandes banques. Le volume des cautionnements est tombé de quelque 400 millions en 1995 à tout juste 200 millions à la fin de la décennie. Ce fait et l’augmentation générale de l’aversion au risque dans la politique d’octroi de crédits ont incité à remettre fondamentalement en cause le système de cautionnement. Une initiative parlementaireb a conduit finalement à l’adoption de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les aides financières aux organisations de cautionnement en faveur des PMEc.

Avec l’entrée en vigueur de cette loi en juillet 2007, la participation de la Confédération aux pertes sur cautionnement a été relevée de 50 ou 60% à 65% et ses contributions aux frais administratifs des organisations de cautionnement de 200 000 francs à 3 millions au plus par an. Le nombre des organisations de cautionnement reconnues a été réduit de dix à quatre (BG Ost/CF Sud, CC Centre, Cautionnement romand, Saffa). Enfin, la participation de la Confédération aux pertes a augmenté de 150 000 à 500 000 francs.

a RO 1949 II 1657, RS 951.24.

b Iv.pa. 05.449.

c RS 951.25.