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La transition énergétique du Conseil fédéral: une exigence remplie sur quatre

La transition énergétique a quatre objectifs principaux: le passage à l’ère postfossile, en finir avec le nucléaire, être écocompatible et d’un bon rapport coûts-béné­fices. La proposition du Conseil fédéral ne remplit que le dernier de ces objectifs. La transition énergétique s’engage dans une impasse si elle n’est pas post­fossile, postnucléaire et compatible avec l’environnement et l’économie. Les organisations environnementales ont montré comment il était possible de parvenir à un approvisionnement 100% renouvelable et efficace sans détours onéreux et pouvant constituer une menace pour l’environnement. 1 La Suisse a maîtrisé plusieurs mutations structurelles profondes grâce à sa prévoyance et à son esprit pionnier. Elle y parviendra encore une fois si elle met en place le bon cadre législatif. 1 Voir www.alliance-environnement.ch/fr/energie-2035.html

La conférence climatique de Cancún avait décidé de la transition énergétique en 2010: il fallait contenir le réchauffement de la planète à deux degrés en bannissant les énergies fossiles. La Suisse a soutenu cet objectif et l’a 
inscrit dans la nouvelle loi sur le CO2. La transition est, en outre, devenue postnucléaire avec la catastrophe de Fukushima. C’était inévitable. Cette transition ne doit, toutefois, pas se faire au détriment de l’environnement ou à travers un mauvais rapport coûts-bénéfices.

Des gains de prospérité


Le projet du Conseil fédéral ne satisfait que le dernier point, la rentabilité. L’analyse macroéconomique officielle de la Stratégie énergétique 2050 est ­certes lacunaire: elle 
ignore les risques nucléaires, les effets du changement climatique et bien d’autres conséquences, qui militent en faveur de la transition énergétique. Malgré cela, le scénario «Mesures politiques» présente un gain de prospérité de quelque 0,1% jusqu’en 2050 par rapport à la la politique énergétique actuelle. Seuls des milieux poursuivant des intérêts particuliers considèrent encore la transition énergétique comme insupportable économiquement et la combattent.L’analyse montre également que le secteur de l’énergie (1,5% du PIB) est trop petit pour influencer réellement l’économie globale tant que l’approvisionnement est assuré. La transition énergétique peut, par contre, être d’une grande importance économique pour les futures régions fournisseuses d’électricité dont les structures présentent aujourd’hui des faiblesses ou pour s’emparer de marchés de ­niche grâce aux innovations suscitées.

Pas de sécurité dans la planification


C’est là que s’arrêtent les appréciations positives. L influencent trop fortement les :

  1. Le postnucléaire: la nouvelle stratégie énergétique ne dit pas quand les centrales nucléaires seront arrêtées; la planification n’est absolument pas garantie en ce domaine. Les propriétaires des centrales amorties ajoutent de petits compléments à la sécurité afin de prolonger la durée de vie de leurs installations de 30 ans à l’origine à 50, 60 ans ou même plus. 
La branche n’est ainsi pas suffisamment préparée à sortir du nucléaire. C’est pour cela que le WWF demande que la durée de vie des centrales soit gelée à 40 ans.
  2. L’ère postfossile: la Suisse s’est engagée à réduire rapidement ses rejets de CO2. Elle lutte au plan international avec les Friends of Fossil Fuel Subsidy Reform contre les subventions accordées aux énergies fos­siles. Or, ni les somptueux encouragements adressés au couplage chaleur-force ni l’abandon de l’obligation de compenser les émissions des centrales à gaz à l’inté-rieur du pays ne cadrent avec une ère postfossile: il ne faut pas l’accepter. La 
Suisse devrait produire quelque 600 mil-lions de tonnes de CO2 en 2050 pour remplir l’objectif des deux degrés. La moitié proviendra du trafic aérien. Les scénarios Mesures politiques et Nouvelle politique de l’énergie y ajoutent 1100 et 900 millions de tonnes de CO2 produits par le sec-
teur énergétique. La politique du Conseil fédéral est donc totalement incohérente.
  3. L’écocompatibilité: dans le domaine hy-draulique, on perd tout sens de la mesure. On nous fait croire que des centrales supplémentaires de ce type représenteraient un potentiel de croissance de 3,2 TWh nets. Or, moins de 10% des eaux courantes suisses sont encore à l’état quasi-naturel. Le WWF estime que le potentiel net de construction compatible avec la protection des eaux se situe entre 1 et 1,5 TWh.


 

Le train de mesures proposé va dans la bonne direction, mais il est de loin insuffisant. Or, il est améliorable sur de nombreux points, simplement et avantageusement. Un calendrier clair des décrochages successifs et l’abandon des subventions accordées aux producteurs de courant utilisant des énergies fossiles créeraient une dynamique qui profiterait à l’efficacité du système et aux énergies renouvelables. L’initiative «Efficacité électrique» va dans ce sens. Nous avons besoin, plutôt que de contingents annuels ridiculement bas dans le photovoltaïque, de critères d’aptitude propres au pays, qui prennent 
suffisamment de recul par ­rapport à notre écosystème qui a déjà fortement souffert.

Proposition de citation: Thomas Vellacott (2012). La transition énergétique du Conseil fédéral: une exigence remplie sur quatre. La Vie économique, 01 novembre.