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Comment la population de la Suisse va-t-elle évoluer d’ici 2070 ?

Trois scénarios permettent de déterminer comment pourrait évoluer la population du pays. Une constante ressort : alors que la proportion de personnes de 65 ans et plus va rapidement augmenter, les migrations s’avéreront essentielles à la croissance démographique.

Comment la population de la Suisse va-t-elle évoluer d’ici 2070 ?

La fécondité n’est plus assez élevée pour permettre, seule, aux générations de se renouveler en Suisse. (Image: Keystone)

L’Office fédéral de la statistique (OFS) met régulièrement à jour les scénarios de l’évolution future de la population de la Suisse. Ces adaptations permettent de tenir compte des tendances démographiques récentes ainsi que des changements politiques, économiques et sociaux. L’OFS a ainsi publié au mois de mai 2020 de nouveaux scénarios pour les années 2020 à 2050[1]. Il les a prolongés jusqu’en 2070, car certains travaux prospectifs (scénarios économiques à long terme, aménagement du territoire, etc.) de l’administration fédérale nécessitent des projections sur une plus large période.

Trois scénarios de base ont été calculés. Le scénario de référence correspond à la poursuite des tendances de ces dernières années. Le scénario « haut » se base sur une combinaison d‘hypothèses plus favorables à la croissance démographique, tandis que le scénario « bas » repose sur des hypothèses moins favorables à cette croissance.

Ces trois scénarios ont été conçus et calculés avant la pandémie de Covid-19. Il est toutefois encore difficile d’évaluer quels seront les effets de cette dernière sur l’évolution future de la population de la Suisse. Si des évolutions particulières et quantitativement importantes sont observées ces prochains mois, l’OFS pourrait calculer de nouvelles variantes aux scénarios 2020–2050 afin d’en tenir compte.

Plus de 10 millions de résidents permanents dès 2040 ?


Le scénario de référence actuel suppose que la Suisse reste attractive en raison d’un rapide rétablissement de la situation économique après la crise de la Covid-19, situation qui demeurera bonne par la suite. Les flux migratoires n’atteignent cependant plus des niveaux aussi élevés que ceux observés durant la dernière décennie en raison de l’amélioration de la conjoncture dans la plupart des pays de l’Union européenne. L’arrivée à l’âge de la retraite des générations les plus nombreuses des baby-boomers (nées entre 1950 et 1970) laisse beaucoup de places de travail vacantes.

Pour compenser en partie ces départs, le solde migratoire des personnes actives croît légèrement entre 2020 et 2030. Les actifs immigrant en Suisse ont en majorité une formation élevée et sont donc souvent très mobiles. La plupart d’entre eux ne restent en Suisse que quelques années. Le solde migratoire diminue ainsi rapidement après 2030 en raison de cette plus grande mobilité et du vieillissement démographique accéléré des pays européens, ce dernier engendrant une concurrence entre la Suisse et l’UE pour attirer des actifs qualifiés. Le solde migratoire passe d’environ 50 000 personnes en 2020 à 55 000 en 2030. Il diminue ensuite à 35 000 en 2040 et reste inchangé jusqu’à la fin de la période de projection.

Le développement de l’égalité des genres et une amélioration de la compatibilité entre le travail et la famille permettent aux parents de concilier plus facilement leur vie privée et leur carrière professionnelle. De nombreuses femmes suivent des formations plus longues qui retardent leur entrée dans le monde du travail et qui entraînent un report de leur première grossesse à des âges plus élevés. La fécondation médicalement assistée permet toutefois à une part plus importante de femmes d’avoir des enfants à des âges plus avancés. L’indicateur conjoncturel de fécondité, soit le nombre moyen d’enfants par femme, augmente de 1,52 en 2020 à 1,62 en 2050, pour ensuite se stabiliser.

Les progrès de la médecine (meilleure connaissance des facteurs de risque, nouveaux médicaments, prévention contre le tabagisme, l’alcoolisme et les accidents, etc.) permettent une poursuite de la baisse de la mortalité. De plus en plus de personnes exercent des métiers dans le secteur tertiaire et ont une formation plus élevée. Comme ces dernières ont en général de meilleurs comportements liés à la santé, l’état de l’ensemble de la population s’améliore peu à peu en la matière. L’espérance de vie des hommes passe de 82,2 ans en 2020 à 87,2 ans en 2050 puis 88,7 ans en 2070, contre respectivement 85,7 ans, 89,6 ans et 91,2 ans pour les femmes.

La population résidante permanente de la Suisse passe de 8,6 millions d’habitants en 2020 à 11,1 millions en 2070, dépassant le cap des 10 millions dès 2040 (voir illustration 1). Alors que les 1,6 million de 65 ans ou plus représentent 18,7 % de la population en 2020, leur nombre double presque pour atteindre 3 millions en 2070, soit plus du quart de la population totale (27 % ; 2,7 millions et 25,6 % en 2050). Le rapport de dépendance des personnes âgées, c’est-à-dire le nombre de personnes de 65 ans ou plus pour 100 personnes de 20 à 64 ans, passe de 30,9 en 2020 à 46,5 en 2050 puis 50,3 en 2070 (voir illustration 2).

Ill. 1. Population résidante permanente de la Suisse (1970–2070)




Source : OFS / La Vie économique

Ill 2. Rapport de dépendance des personnes âgées (1970–2070)




Remarque : le rapport de dépendance mesure le nombre de personnes de 65 ans ou plus pour 100 personnes de 20 à 64 ans.

Source : OFS / La Vie économique

Jusqu’à 13 millions de résidents permanents en 2070


Le scénario « haut » suppose également une très bonne situation économique en Suisse au cours des prochaines décennies. Le solde migratoire passe d’un peu plus de 60 000 personnes à 70 000 entre 2020 et 2030, avant de diminuer pour se stabiliser à 50 000 dès 2040. Le nombre moyen d’enfants par femme augmente quant à lui de 1,55 en 2020 à 1,82 en 2050 et ne varie plus par la suite. L’espérance de vie progresse également : de 82,7 ans en 2020 à 90,6 ans en 2070 pour les hommes, contre respectivement 86,1 ans et 92,7 ans pour les femmes.

Selon ce scénario, la Suisse compte 11,4 millions de résidents permanents en 2050, un chiffre qui monte à 13 millions en 2070. Les 65 ans ou plus deviennent plus de deux fois plus nombreux entre 2020 et 2070, passant à 2,8 millions en 2050 et à 3,4 millions en 2070 : ils représentent alors respectivement 24,9 % et 26 % de la population. Le rapport de dépendance des personnes âgées passe à 45,6 en 2050 et 48,9 en 2070.

Le scénario « bas » est moins optimiste et suppose une croissance économique plus faible. Le solde migratoire reste stable à 40 000 personnes jusqu’en 2030, puis décroît pour se fixer autour de 20 000 dès 2040. L’indicateur conjoncturel de fécondité diminue, passant de 1,50 enfant par femme en 2020 à 1,41 en 2050, pour se stabiliser peu après à ce niveau. L’espérance de vie des hommes passe de 81,6 ans en 2020 à 86,7 ans en 2070, celle des femmes de 85,3 à 89,7 ans.

La population résidante permanente du pays atteint 9,5 millions d’individus en 2050. Elle diminue lentement à partir de 2052 et se situe à 9,4 millions en 2070. Le nombre de 65 ans ou plus croît à 2,5 millions de personnes en 2050 et à 2,7 millions en 2070. Cette tranche d’âge représente 26,4 % de la population en 2050 et 28,3 % en 2070. Le rapport de dépendance des personnes âgées passe à respectivement 47,5 et 52,1.

La croissance dépend toujours plus des migrations


Depuis une cinquantaine d’années déjà, la fécondité n’est plus assez élevée pour permettre aux générations de se renouveler. Sans migrations et sans accroissement de l’espérance de vie, la population de la Suisse aurait déjà diminué depuis plusieurs années. La fécondité ne devrait pas augmenter suffisamment dans le futur pour engendrer une croissance démographique.

Une poursuite de l’augmentation de l’espérance de vie contribuera quelque peu à l’accroissement de la population du pays. En raison des niveaux déjà très bas des taux de mortalité des enfants et des personnes en âge de travailler, cette hausse de la longévité ne permettra qu’au nombre de personnes âgées d’augmenter. Elle n’aura que peu d’effets sur les autres groupes d’âge, dont la croissance sera en grande partie déterminée par les niveaux des flux migratoires. Ainsi, quand les générations nombreuses du baby-boom auront atteint des âges avancés et commenceront à disparaître, l’accroissement démographique de la Suisse dépendra presque exclusivement des migrations.

  1. OFS (2020). Évolution de la population de 2020 à 2050 : croissance, vieillissement et concentration autour des grandes villes. Neuchâtel, 28 mai. []

Proposition de citation: Raymond Kohli (2020). Comment la population de la Suisse va-t-elle évoluer d’ici 2070 . La Vie économique, 24 juillet.