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Les cantons, plaque tournante du système de santé

Acteurs importants du système de santé, les cantons saluent les mesures de maîtrise des coûts. Un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires peut y contribuer, mais il s’agit d’inclure les établissements médico-sociaux et les services de soins à domicile.
Un financement uniforme doit également englober les établissements médico-sociaux. La maison pour personnes âgées Herzogenmühle, à Zurich. (Image: Keystone)

Pour maîtriser la pandémie de coronavirus, le Conseil fédéral a ordonné des mesures qui relèvent normalement des cantons, comme le prévoit la loi sur les épidémies en cas de menace particulière ou extraordinaire pour la santé publique. Ce transfert temporaire des compétences ne doit cependant pas faire oublier que le système de santé suisse est fortement marqué du sceau du fédéralisme.

La Confédération a certes vu ses responsabilités en la matière s’étendre au cours des dernières décennies, mais son rôle reste subsidiaire. La santé publique est globalement du ressort des cantons. Par conséquent, il n’existe pas en Suisse de politique centrale de la santé, mais des politiques sanitaires cantonales. Les cantons garantissent la prise en charge de la population par les hôpitaux et les établissements médico-sociaux (EMS). Ils sont également responsables des soins ambulatoires à domicile, des services psychiatriques, des soins médicaux d’urgence et des services de sauvetage.

Les listes d’hôpitaux sont l’élément central de la planification hospitalière. Les cantons y identifient les établissements nécessaires pour couvrir les besoins d’hospitalisations stationnaires et détenant un mandat de prestation. Les traitements sont remboursés selon une clé de financement fixe : le canton de résidence d’un assuré prend en charge au moins 55 % des coûts, l’assureur-maladie au plus 45 %. Ces derniers supportent en revanche la totalité des coûts des traitements ambulatoires.

L’automne dernier, le Conseil national s’est prononcé en faveur d’un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (Efas). À l’avenir, les interventions ambulatoires devraient donc être financées conjointement par les cantons et les assureurs-maladie.

La Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) estime qu’un financement uniforme ne fait que rediriger les flux financiers et ne contribue donc pas notablement à la maîtrise des coûts du système de santé. Les cantons sont néanmoins disposés à soutenir ce changement de système. Il faut toutefois que la réforme englobe toutes les prestations prévues par la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) : la réforme ne peut en effet accroître l’efficacité des prestations de soins de la LAMal et contribuer à contenir les dépenses de santé que si le financement uniforme englobe toute la chaîne des soins de santé publique. Le Conseil national s’y est refusé et veut exclure les soins LAMal des EMS et des soins à domicile.

Les cantons travaillent ensemble


La coopération intercantonale dans le domaine de la planification hospitalière et de la médecine hautement spécialisée a également un effet modérateur sur la hausse des coûts. Les recommandations de la CDS en matière de planification hospitalière constituent un instrument de choix pour améliorer la coordination entre les cantons.

Un autre aspect de cet effort visant à freiner la hausse des coûts de la santé est l’approbation ou – si les hôpitaux et les assureurs-maladie ne peuvent pas se mettre d’accord – la fixation des tarifs hospitaliers par les gouvernements cantonaux. La CDS aide les cantons à déterminer le tarif axé sur les coûts et fournit la base de données nécessaire, alimentée par les données sur les coûts hospitaliers échangées entre les cantons. Elle soumet également aux cantons des recommandations pour le contrôle de l’économicité.

Ne pas limiter la marge de manœuvre


En février, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet visant à étendre massivement les critères de planification hospitalière et à établir une échelle d’efficacité pour les tarifs hospitaliers qui ne permettrait plus guère aux hôpitaux de couvrir les frais des prestations qu’ils fournissent. La CDS est très critique à l’égard des changements proposés, car ils rogneraient sans nécessité la marge de manœuvre des partenaires tarifaires et les compétences des cantons.

Ceux-ci estiment que le projet du Conseil fédéral visant à limiter l’admission de médecins dans le secteur ambulatoire apporte une nette amélioration. Contrairement à la réglementation insuffisante en vigueur, des quotas seront fixés de façon ciblée dans des régions et pour des spécialisations spécifiques si certains critères sont remplis. Les cantons disposent ainsi d’un instrument permettant à la fois d’éviter une offre excédentaire et d’assurer une offre médicale conforme aux besoins, efficace et ciblée.

Un premier volet de mesures transmis par le Conseil fédéral au Parlement en août 2019 vise lui aussi à freiner la hausse des coûts. La CDS approuve l’axe de ce projet de maîtrise des coûts, qui comprend notamment un article permettant d’expérimenter des projets novateurs en dehors du cadre de la LAMal et qui prévoit la mise en place d’une organisation tarifaire nationale dans le domaine ambulatoire. Des corrections s’imposent toutefois pour que la CDS puisse soutenir l’intégralité de ce volet de mesures.

Les recours, facteurs de coûts


La CDS rejette surtout l’idée d’accorder aux assureurs un droit de recours des associations à l’encontre des décisions prises par les cantons en matière de planification hospitalière. Contrairement aux cantons, les caisses-maladie n’assument en effet aucune responsabilité constitutionnelle quant à la fourniture de soins médicaux. Ce droit de recours ferait grimper les coûts, car les assureurs pourraient contester non seulement les mandats de prestation individuels, mais également les listes d’hôpitaux et la planification hospitalière dans leur ensemble.

Le Conseil fédéral a annoncé pour l’année en cours un deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts. La mise en place d’objectifs doit limiter la hausse des coûts dans l’assurance obligatoire des soins. Si un tel « frein » pour les cantons est en principe souhaitable en cas d’augmentation injustifiée des coûts, sa mise en œuvre concrète semble difficile. Il est notamment attendu des cantons qu’ils fixent des objectifs avant même de disposer de données suffisamment détaillées, transparentes et actuelles. En outre, les cantons à faible potentiel de ressources devront en particulier être épaulés pour la mise en œuvre.

Malgré ces réserves, la CDS est ouverte à un débat de fond et à des solutions alternatives. Après tout, les cantons ont un intérêt vital à freiner la hausse des coûts de santé. Ils y contribuent en s’engageant dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé. L’objectif des cantons et de la Confédération est que la population suisse reste autant que possible en bonne santé afin de prévenir les maladies ou d’en réduire les conséquences.

La pandémie de coronavirus a mis le système de santé à l’épreuve et l’a placé encore plus au centre du débat public. Les questions concernant la couverture sanitaire, déjà d’une actualité brûlante avant l’apparition du virus, intégreront désormais les leçons tirées de la gestion de la pandémie : quel doit être le paysage hospitalier de la Suisse de demain ? Comment moderniser le système de déclaration ? Comment réussir à couvrir les besoins en personnel à long terme dans les exigeantes professions de la santé ? Comment garantir une disponibilité permanente de matériel de protection et de médicaments ? La CDS jouera un rôle actif et constructif dans ces discussions.


Bibliographie

Bibliographie

Proposition de citation: Lukas Engelberger (2020). Les cantons, plaque tournante du système de santé. La Vie économique, 22 juin.