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Les plus de 50 ans travaillent davantage qu’avant, grâce aux femmes

Les femmes d’un certain âge exercent plus souvent une activité professionnelle que dans les années 1990. Un potentiel de main-d’œuvre se situe surtout autour de l’âge de la retraite.
Environ trois quarts des femmes âgées de 50 à 60 ans exercent une activité professionnelle en Suisse. (Image: Alamy)

En Suisse, les générations les plus nombreuses ont aujourd’hui entre 50 et 55 ans et atteindront l’âge ordinaire de la retraite dans 10 à 15 ans. La sortie du marché du travail de ces baby-boomers devrait augmenter la rareté de l’offre de travail et accentuer encore la pénurie de personnel qualifié. Mieux utiliser le potentiel de main-d’œuvre des travailleurs indigènes permettrait d’atténuer les effets démographiques sur le marché du travail. Dans ce contexte, les personnes âgées de plus de 50 ans se retrouvent au centre de l’attention : bien que ce groupe connaisse un taux de chômage comparativement bas, sa participation au marché du travail est aussi nettement plus basse que chez les cohortes plus jeunes.

La dynamique des parcours professionnels des personnes plus âgées en Suisse était relativement peu connue. Une analyse empirique réalisée sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) a cherché à savoir comment la situation et les parcours professionnels des personnes de 50 ans et plus ont évolué depuis les années 1990[1].

Les femmes font pencher la balance


D’importants gisements de données figurant dans les registres de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) des années 1990–2017 ont été évaluées et mises en lien avec les données du recensement de la population de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Concrètement, trois cohortes de naissances qui atteignaient l’âge de 50 ans pendant la période allant de 1992 à 2012 ont été analysées : la cohorte 1 porte sur les années 1942–1948, la cohorte 2 sur les années 1949–1955 et la cohorte 3 sur les années 1956–1962.

L’étude a montré que la participation des personnes plus âgées au marché du travail a augmenté dans tous les groupes d’âge. Cette évolution est à mettre sur le compte des femmes : le taux de femmes actives occupées âgées de 55 ans est notamment passé de 65 % dans la cohorte 1 à 75 % dans la cohorte 3 (voir illustration 1). En revanche, du côté des hommes, le taux a baissé de 90 à 86 %.

Ill. 1. Taux d’actifs occupés, selon la cohorte et le sexe




Source : comptes individuels (CI) de l’AVS, registre des rentes de l’AVS/AI, Statpop ; calculs de Kaiser, Siegenthaler et Möhr / La Vie économique

Mutations sociales


Comment s’explique cette hausse marquante de la participation des femmes plus âgées au marché du travail ? On peut aisément supposer que les changements survenus dans la structure de la population ont joué un rôle important au fil du temps, puisque la participation au marché du travail varie en fonction des caractéristiques sociodémographiques. La part des personnes au bénéfice d’une formation tertiaire a ainsi augmenté depuis les années 1990, alors que la proportion de personnes mariées a diminué. L’évaluation économétrique effectuée dans l’étude montre toutefois que de tels transferts sociodémographiques n’expliquent qu’un quart de l’augmentation du taux d’actifs occupés.

Les mutations sociales et les changements institutionnels qui y sont liés s’avèrent déterminants. L’introduction du congé maternité a par exemple permis d’améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Le chômage comme césure


Ces données ont permis de montrer que les parcours professionnels des personnes qui exerçaient une activité lucrative ou qui étaient au chômage à l’âge de 50 ans se sont déroulés de manière différenciée (voir illustrations 2a et 2b). Sur dix personnes exerçant une activité lucrative dans la cohorte 1 (1942–1948) à l’âge de 50 ans, neuf continuaient à le faire cinq ans plus tard et elles étaient encore trois sur quatre à l’âge de 60 ans. Environ 7 % bénéficiaient d’une rente AI à l’âge de 60 ans, certaines d’entre elles poursuivant toutefois encore leur activité professionnelle.

En revanche, on remarque nettement plus de retraits de la vie active dans cette même période de la vie parmi les personnes inscrites au chômage à l’âge de 50 ans. Seule la moitié d’entre elles étaient encore actives à 60 ans, alors que 7 % étaient de nouveau au chômage et une sur cinq touchait une rente AI.

Dans l’ensemble, ces résultats indiquent que les personnes plus âgées qui se retrouvent au chômage se retirent en moyenne plus tôt de la vie active et sont plus souvent atteintes dans leur santé. Le chômage à l’âge de 50 ans conduit en moyenne à un retrait de la vie active six mois plus tôt.

Ill. 2a. Statut professionnel des personnes actives occupées nées dans les années 1942–1948 (cohorte 1)

Ill. 2b. Statut professionnel des bénéficiaires de l’assurance-chômage nés dans les années 1942–1948 (cohorte 1)




Remarque : les deux graphiques représentent les parts relatives des différentes catégories de statut professionnel selon l’âge. Ils incluent toutes les personnes qui étaient actives en décembre de leur 50année (illustration 2a) et celles qui touchaient des prestations de l’assurance-chômage (AC) en décembre de leur 50e année (illustration 2b). Parmi les « autres personnes sans activité lucrative » figurent notamment les bénéficiaires de rentes AVS sans activité lucrative, les personnes à la retraite anticipée, les femmes et les hommes au foyer, les bénéficiaires de l’aide sociale sans activité lucrative et les personnes sans activité lucrative et sans droit aux prestations de l’AC.

Source : comptes individuels (CI) de l’AVS, registre des rentes de l’AVS/AI, Statpop ; calculs de Kaiser, Siegenthaler et Möhr / La Vie économique

Stabilité dans la durée


Afin d’analyser plus précisément les effets du chômage sur le long terme, les parcours professionnels des chômeurs ont été comparés au moyen de méthodes économétriques avec ceux des personnes actives occupées affichant des parcours professionnels et des caractéristiques sociodémographiques identiques (voir encadré). Les résultats montrent que le chômage à l’âge de 50 ans fait baisser l’activité lucrative de cinq à sept points de pourcentage à moyen et long terme.

Les effets du chômage à l’âge de 50 ans n’ont guère changé depuis les années 1990. Lorsque le chômage survient plus tard dans la vie active, la cohorte la plus jeune montre davantage de difficultés que la plus ancienne à réintégrer le marché du travail. Se retrouver au chômage à 55 ans fait baisser la probabilité de travailler cinq ans plus tard de 8 % dans la cohorte 1 (1942–1948) et de 14 % dans la cohorte 3 (1956–1962).

Un potentiel existe


Étant donné que la participation des femmes plus âgées au marché du travail devrait encore augmenter ces prochaines années, le potentiel de main-d’œuvre des plus de 50 ans pourrait être davantage exploité à l’avenir. En considérant les différentes tranches d’âge, un potentiel supplémentaire de main-d’œuvre émerge surtout à partir de 60 ans, puisque la baisse du taux d’actifs occupés s’accélère nettement à partir de cet âge. Par conséquent, les mesures qui visent un maintien plus long sur le marché du travail à partir de 60 ans devraient en particulier exercer une influence positive sur la participation à la vie active.

Il est crucial de réintégrer rapidement et efficacement les chômeurs plus âgés dans le marché du travail, dans la mesure où des interruptions dans le parcours professionnel ont des répercussions sur la participation au marché du travail non seulement à court terme, mais également à moyen et à long terme.

  1. Kaiser Boris, Siegenthaler Michael et Möhr Thomas (2020). Parcours professionnels dès 50 ans : intégration des actifs âgés sur le marché du travail en Suisse. BSS Volkswirtschaftliche Beratung et Centre de recherches conjoncturelles de l’École polytechnique fédérale de Zurich, sur mandat du Seco. []

Proposition de citation: Boris Kaiser ; Michael Siegenthaler ; Thomas Möhr (2020). Les plus de 50 ans travaillent davantage qu’avant, grâce aux femmes. La Vie économique, 25 février.

La méthode économétrique utilisée

La méthode des « différences de différences » combinée à une « pondération par le score de propension » a été utilisée afin d’évaluer l’effet causal du chômage sur le parcours professionnel ultérieur. Cette approche permet d’établir une comparaison entre les chômeurs et un groupe de contrôle adéquat de personnes actives occupées qui ont précédemment, et en moyenne, connu des parcours professionnels identiques (activité professionnelle, revenu, risque de chômage, durée du chômage) et présentent la même structure sociodémographique (sexe, formation, profession, origine, etc.).