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Échange de renseignements : première réussie dans le canton de Fribourg

Le canton de Fribourg a pour la première fois reçu l’an dernier des données sur des comptes financiers étrangers. Avec un effet collatéral bienvenu : le nombre des dénonciations spontanées non punissables a bondi avant même que l’échange ne débute.
Le canton de Fribourg a enregistré en 2018 environ 900 dénonciations spontanées, soit nettement plus que les années précédentes. Une vue sur la ville de Fribourg. (Image: Keystone)

En décembre 2018, les administrations fiscales cantonales ont eu accès pour la première fois à des informations sur des comptes financiers. Il s’agissait de données provenant des États de l’Union européenne (UE) ainsi que de neuf autres États et territoires avec lesquels la Suisse avait convenu de l’échange automatique de renseignements (EAR) au 1er janvier 2017[1]. Le service des contributions du canton de Fribourg (SCC) avait d’emblée établi qu’il souhaitait effectivement exploiter ces renseignements. Il a reçu l’an dernier 26 463 informations sur des comptes financiers.

La première livraison de données a pris la forme d’une clé USB, car la plateforme électronique de l’Administration fédérale des contributions (AFC) n’était pas encore opérationnelle. Toutes les fonctionnalités permettant d’exploiter ces données n’étaient pas encore disponibles. Mais avec ce simple outil USB, le SCC a déjà pu faire immédiatement de précieuses premières expériences, sur la base desquelles il a affiné sa stratégie interne en matière d’utilisation des données.

La plateforme électronique de l’AFC est disponible depuis mars 2019 et permet des requêtes détaillées. Une recherche ciblée permet par exemple d’identifier toutes les données reçues concernant les comptes financiers d’un contribuable. Sont échangés des renseignements concernant l’identité, les comptes et les finances d’entreprises et de particuliers, comme le nom, l’adresse, l’État de domicile et le numéro de contribuable, ainsi que des informations sur l’institution financière déclarante, le solde du compte et toutes les formes de rendement du capital et de revenus.

L’utilité croît…


Dans le travail quotidien de taxation, l’échange de renseignements sur les comptes financiers a pour effet immédiat que le SCC peut vérifier si les comptes, dépôts et données d’assurance annoncés par d’autres États sont effectivement déclarés par les contribuables ou comptabilisés dans des entreprises. Les données peuvent en outre aider si la comparaison de l’évolution de la fortune de certains contribuables avec l’année précédente soulève des questions.

Les vérifications s’étendent aussi bien aux soldes des comptes (pour l’impôt sur la fortune) qu’à d’éventuels rendements de capital non déclarés (pour l’impôt sur le revenu) ; dans ce dernier cas, l’examen s’avère plus compliqué, car la nature des rendements (intérêts, dividendes, gains en capital, produits de licences, etc.) ne ressort pas directement des données reçues.

Pour les cas découverts grâce à l’EAR, le SCC ouvre une procédure de rappel d’impôt et une procédure pénale en matière fiscale. L’ajout de comptes découverts dans une procédure de taxation en cours restera l’exception, car la livraison des informations financières ne s’effectue chaque fois qu’à l’automne, alors que de nombreuses taxations ont déjà été complétées.

… la charge de travail également


L’EAR met cependant aussi le SCC au défi. Les exigences de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de confidentialité et de sécurité des données vont de soi ; vu le secret fiscal, elles jouissent de toute façon de la plus haute priorité dans une administration fiscale. L’OCDE vérifie désormais régulièrement si ses directives sont appliquées, et les éventuelles irrégularités devraient lui être annoncées. La consultation et l’utilisation des données doivent donc être réglées et limitées clairement à l’interne, même s’il faut que ces données puissent être exploitées efficacement.

Une stratégie appropriée doit permettre de s’assurer que la masse de données puisse être maîtrisée. Les informations financières doivent pouvoir être vérifiées lors du processus de taxation au prix d’une charge de travail raisonnable. Ce labeur est compliqué par la qualité inégale des informations reçues. Toutes les données ne peuvent être toujours vérifiées sans autre analyse, d’où des renvois pour approfondissement et des examens laborieux. Le SCC espère donc que les futurs échanges de renseignements produiront de meilleures données, ce qui permettra de réduire la charge de travail.

Finalement, le SCC devra fournir à l’OCDE (par l’intermédiaire de l’AFC) des informations statistiques sur la mise en œuvre de l’EAR, comme des indications sur le nombre de comptes financiers non déclarés domiciliés à l’étranger, le nombre de dénonciations spontanées non punissables et de procédures pénales ouvertes à la suite de l’EAR, ce qui nécessite des adaptations dans le domaine informatique.

Davantage de dénonciations spontanées


L’EAR a manifestement eu un effet collatéral important : l’augmentation des dénonciations spontanées non punissables. L’annonce de l’introduction de l’EAR a déclenché nettement plus de dénonciations spontanées que par le passé. Le canton de Fribourg en a ainsi enregistré environ 900 en 2018, soit presque trois fois plus que les années précédentes.

Des dénonciations spontanées non punissables sont enregistrées encore aujourd’hui. Manifestement, l’annonce et l’introduction de l’EAR ont donc eu – et ont toujours – un effet « purificateur » sur les contribuables. Avant l’entrée en vigueur de l’EAR, le SCC supposait que ces dénonciations spontanées « légaliseraient » pour l’essentiel des comptes financiers non déclarés, ce qui s’est en grande partie confirmé. Depuis l’introduction de l’EAR, le SCC a cependant découvert d’autres cas de comptes financiers non déclarés et il ne s’agissait étonnamment pas que de bagatelles, mais aussi de comptes affichant des montants considérables, de l’ordre du million.

Les premières expériences permettent de conclure que l’EAR aide de différentes manières l’autorité fiscale à mieux taxer. L’augmentation des dénonciations spontanées non punissables est un effet collatéral important. Comme indiqué précédemment, le SCC espère disposer à l’avenir de données de meilleure qualité pour réduire la charge de travail, d’autant plus que davantage de pays participeront à l’EAR. Pour l’année courante, l’échange de renseignements sera pratiqué avec quelque 80 États.

  1. UE : y compris Gibraltar, mais sans la Roumanie et Chypre. Autres : Australie, Guernesey, Île de Man, Islande, Japon, Jersey, Canada, Norvège et Corée du Sud. []

Proposition de citation: Christoph Perler (2019). Échange de renseignements : première réussie dans le canton de Fribourg. La Vie économique, 24 juin.